Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/186

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titution, et s’élancerait vers un nouveau destin d’amour en profitant de mes moyens !

— Et les fonctions... les fonctions sont gardées ? ... balbutiai-je.

— Intégralement.

J’en restai stupide. J’en oubliai Rolande. Je ne pensais plus qu’à l’autre, le phénomène de Tornada, qui allait me promener à travers le monde. Le sentiment qui me dominait était surtout de la jalousie contre cette profiteuse ignorée, une rancune pareille à celle qu’on peut éprouver contre un envahisseur qui s’est installé chez vous, habite votre domaine, exploite votre bien, sans avoir à vous en servir les intérêts. J’avais confusément d’autres craintes aussi, déterminées par le culte que j’ai toujours porté à ma santé. Quelle abomination ! quelle usurpation ! J’en frémissais de révolte !

Mais on eût dit que Tornada comprenait tout ce qui s’agitait en moi. Comme s’il eût voulu endormir ce nouveau sursaut, il s’étendit complaisamment sur l’originalité de son intervention, sur ce que la science chirurgicale allait pouvoir en tirer dans d’autres domaines, pour le plus grand bien de l’humanité. Il voyait déjà des croisements de sang obtenus de cette sorte ; nos races épuisées par la civilisation obtenant leur régénération par des échanges avec les races primitives sans que rien fût changé aux acquisitions intellectuelles, aux mœurs, et pareillement, espérait-il, à la structure anatomique et à la couleur des téguments. Dans le feu de sa déclaration, il avait pris un crayon et me traçait sur le mur blanc de la chambre des dessins, des sections, des coupes d’organes, par quoi il me démontrait la logique de ses conceptions et la facilité avec laquelle il les avait réalisées.

— Vous voyez ?... voici d’une part notre ovaire, notre utérus, nos trompes de Fallope enveloppées