Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/188

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— Et cette barbe disparue ?

— Radiothérapie !

Il sourit :

— Il persiste cependant un soupçon de duvet que je n’ai pu effacer. Là, la nature a été plus forte que moi. Elle vous laisse ce souvenir, comme l’appendice est la trace d’un long boyau… Mais vous n’en serez que plus charmante… et les hommes… Ah ! vous verrez, les hommes !

Mais il se modifia soudain. Il venait de consulter sa montre. Un souci s’imprima sur son front.

— Nous bavardons… et il me faut encore défaire votre dernier pansement…

Il pressa la sonnette, replaça sur sa tête la cagoule blanche, s’encapuchonna la barbe et, dès que l’infirmière qu’il venait de convoquer fut rentrée, il commença, avec son aide, à me soigner. Je me livrai à ses pratiques en fermant les yeux. Je sentis qu’il délaçait des bandelettes adhérentes dont l’enlèvement me causa comme une brûlure momentanée, puis un sentiment — je ne dis pas une sensation — un sentiment de vide, que je m’empressai de vérifier aussitôt. Entre temps, il poussait des grognements, ce qui était sa façon d’exprimer son contentement de l’absolue réussite de son œuvre. Il replaça sur moi la couverture :

— C’est fini et c’est parfait ! Je n’ai plus de raisons de vous garder, ma chère Georgette. Vous pouvez vous lever et rentrer chez vous.

Et, avant de sortir :

— Adieu, ma mignonne. Ne m’oubliez pas dans vos prières.

Puis il s’éclipsa, suivi de l’infirmière.

Seul à nouveau !… Seul ?… Comment faut-il que j’écrive, maintenant ?… Faut-il me mettre au masculin, faut-il adopter le féminin ? J’éprouve encore un tel trouble en racontant cette stupéfiante aventure… Enfin, pour la commodité de