Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/195

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tante réalité. C’était, à nouveau, mon concierge.

— Je dérange mam’zelle ; mais puisque les domestiques ont été renvoyés...

— Renvoyés ? et par qui ?...

— Par m’sieur Sigerier, donc !... Même qu’il les a payés avec un chèque barré... et qui z’ont bien eu d’là peine à toucher, rapport qui n’avaient pas de compte en banque...

— Allez ! allez !... pressai-je.

— Je vais... C’est pou dire à mam’zelle que j’ai des lettres pour M’sieur Georges, dont un papier de la mairie ; et qu’est-ce qui faut qu’j’en fasse ?

— Donnez. Je les réexpédierai moi-même.

Il me livra un volumineux courrier, puis me tendit une carte. C’était un élégant bristol gravé, portant ce simple nom : « Robert de Lieuplane » surmonté d’une couronne comtale.

— C’est pour mon frère ? questionnai-je.

— Non, mam’zelle. C’est vous qu’a veut voir.

— Un autre jour... un autre jour... fis-je, de plus en plus surpris, et ne trouvant pas à me dérober autrement.

Le concierge reparti, je parcourus rapidement mon courrier, en panne depuis huit jours. Lettres d’affaires, invitations à dîner, commande d’un portrait... les échanges coutumiers, passons. Mais un de ces papiers m’impressionna plus. Il m’ordonnait, de la part de la mairie, de remplir le jour même une feuille de recensement. Je restai longuement à réfléchir devant cette banale requête. Elle caractérisait les complications sociales qui allaient résulter de la mauvaise plaisanterie de Tornada.

Si je n’avais eu à redouter que les complications sociales ! Celles-là, on les esquive encore. Mais il allait se présenter toutes les difficultés, les embarras de chaque minute, tenant à l’irruption subite d’un homme dans une vie matérielle de femme élégante. Des riens, de petites prati-