Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/194

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donc détruit ; il n’en resterait donc bientôt plus que le squelette, comme à ces iris fanés ?

Mais, soudain, mon cœur battit à me rompre la poitrine. Il y avait là, dans une coupe où, d’ordinaire, on déposait le courrier, deux lettres à son écriture. Je me précipitai, j’ouvris. Hélas ! elles n’étaient pas pour moi, ou du moins pour l’amant que j’étais, mais pour la sœur que j’étais devenue. Elles commençaient toutes deux par un cérémonieux Mademoiselle ; et toutes deux elles exprimaient le désir de me connaître vite. Les raisons de ce souhait étaient banales, de pure courtoisie mondaine ; mais je savais démêler entre les lignes l’angoisse qui les avait dictées, le souci de se faire expliquer ma fuite soudaine et de tenir encore un lien avec l’ami disparu.

Pourtant, un détail me surprit. La plus récente en date de ces lettres exprimait que Rolande avait reçu de moi, provenant de Bordeaux, une carte postale, sur quoi j’avais jeté rapidement les raisons de mon voyage en même temps que j’annonçais l’arrivée de ma sœur. C’était à la suite de ces renseignements que Rolande avait écrit.

Nul doute que Tornada ne fût intervenu en cette histoire, comme du reste dans la lettre qu’avait reçue le concierge. Mais par quel procédé ? Avait-il su imiter mon écriture au point que Rolande s’y était trompée ? Ou bien, abusant du sommeil artificiel qui m’avait terrassé durant huit jours, était-il parvenu à me faire écrire inconsciemment ces missives ? Et quelles autres n’avait-il exigées de ma main esclave, pour mener à bien quelque ténébreuse expérience ?... Mais toutes ces réflexions s’envolèrent devant la joie qui m’était promise de revoir bientôt Rolande. J’embrassai éperdument ces feuillets, témoignages d’une aurore, alors que je me désespérais de la nuit.

Un coup de sonnette me ramena à la déconcer-