Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/207

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C’était si cocasse, que je ne pus m’empêcher de sourire, ce à quoi mon fiancé, qui exagérait décidément tout, répondit par un rire de caserne.

— Vous verrez que ça collera, s’apaisa-t-il, et si ça ne colle pas, eh bien, il est toujours temps de se dégager. En attendant, je vous enlève pour aller faire notre persil au Bois. J’ai mon teuf-teuf à la porte. Grouillez-vous, ma petite Georgette. Mettez vos croquenots. Et attendez, attendez. que je vous arrange : votre robe ne colle pas.

Il avait remarqué un pli à mon tailleur champagne. Il me fit tourner, retourner, estima qu’un pincement dans le tissu s’imposait.

— C’est bon m’impatientai-je, je ferai modifier par ma femme de chambre dès que j’en aurai une.

— Pas besoin de la bonne... Je vais vous arranger ça.

J’eus la surprise de le voir tirer de sa poche un petit nécessaire de couture. Il y choisit du fil, une aiguille, un dé, Il s’agenouilla devant moi, réduisit le défaut et se mit à coudre. Il y déployait l’habileté d’un professionnel, sa main manœuvrait comme celle d’une experte ouvrière,

— Ah çà ! vous avez donc été tailleur ?

— Non ; mais j’ai toujours aimé la couture. À preuve...

Il me montra ses doigts, assez fins, mais parsemés de traces d’aiguille. Puis il acheva son travail.

— Là ! ça colle, maintenant. N’oubliez pas de vous mettre de la poudre.

J’obéis. Ma volonté n’existait plus. Il me fallait subir.

Nous sortîmes enfin. Quand je passai sous la voûte, le concierge me glissa un discret compliment sur mes fiançailles. Il ne m’étonnait pas que Robert eût bavardé. Nous montâmes dans la torpédo à deux places que mon compagnon con-