Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/230

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scandale qui montre à quel point ses façons étaient celles du vilain.

Nous avions pris une loge. Désappointé par la scène, je regardais dans la salle, en m’étonnant du nombre de lorgnettes braquées sur moi, lorsque, aux fauteuils, directement sous notre loge, je remarquai l’insistance effrontée d’un spectateur qui ne me quittait pas du monocle. En me voyant ainsi l’attention de ce seigneur, je ne pus, par réflexe, en détacher mon regard. Aussi me crut-il complice. Il tira bientôt une carte de son portefeuille, pour y griffonner quelques mots, en me signifiant par gestes qu’il allait me les faire parvenir. En effet, à l’entr’acte, une ouvreuse se présentait avec le message et tentait de me le glisser.

Mais ce fut Robert qui s’en empara. Tout en feignant de s’intéresser au spectacle, il avait suivi ce manège. Et cet homme, qui ne me recherchait que pour mes millions, sortit de ses gonds avec la même violence que s’il m’aimait — donc, avec grossièreté. Il apostropha le galant, qui venait de reprendre sa place, en brandissait le carton :

— Dites donc, vous, là, hé !... oui, vous, l’enflé au monocle... J’ai votre papier, vous savez ?... Vous vous appelez monsieur Laspique... Non ! mais, voyez-vous ce foie gras qui se permet de faire de l’œil à ma fiancée, et de lui envoyer un poulet !... Vous vous êtes pas regardé, mon pauvre vieux !... Avec c’te bobine en simili, on se couche de bonne heure !... Je suis Robert de Lieuplane, moi, et si vous voulez qu’on sorte, à votre dispose !...

Le public s’amusait follement... J’en eusse fait autant dans mon état normal ; mais mon imprégnation féminine modifiant totalement mes façons d’être, je n’eus d’abord d’autre ressource que de cacher ma confusion derrière mon éventail, puis