Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/229

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tionnait devant un de ces bars fréquentés par une clientèle équivoque.

— Entrons ! ordonnai-je à Rolande.

— Là-dedans ? Ah çà ! vous êtes folle !

— Entrons ! entrons !

Elle comprit tout de suite. Robert s’y trouvait, installé devant des soucoupes, seul homme au milieu d’un essaim de filles. Il tenait enlacée l’une d’entre elles, une rousse, du reste appétissante. Dès qu’il nous reconnut, sans se démonter, il abandonna sa conquête et se porta à notre rencontre.

— Voilà du temps... fît-il, souriant bêtement.

— Voilà du temps, ripostai-je. Que faites-vous dans ce bouge ?

— Vous le voyez, j’ai retrouvé quelques amies...

— Et vous ne les avez quittées de cinq jours ; tandis que moi... Mais ce n’est pas l’endroit pour nous expliquer. Partons, suivez-moi.

O mon innocence !... Les filles s’étaient mises de la partie. Leurs voix grasses tournaient en dérision, avec des épithètes appropriées, l’attitude penaude de mon fiancé. Il hésita, puis fit un pas pour retourner vers elles.

— Vous ne voulez pas me suivre ?

Et vlan ! d’un solide revers de main, je giflai ce personnage qui m’offrait la bonne fortune de pouvoir rompre. J’en étais pourpre de rage ; Rolande en était pâle ; et lui passait au vert biliaire. Nous nous installâmes dans sa voiture, il prit le volant et nous reconduisîmes Rolande chez elle. Après quoi nous dînâmes au cabaret, comme si rien ne s’était passé. Ma colère était tombée. Il me proposa d’achever la soirée au café-concert — il disait « caf’-conc’ » — et j’acceptai. Je détestais ces sortes d’exhibitions, mais Robert y prenait un plaisir infini. Et ce fut encore l’occasion d’un