Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/243

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peinture m’eût volé une de mes toiles en faveur d’un inconnu et que celui-ci y apposât sa signature et remportât au Salon une récompense exceptionnelle. Je me sers de cette comparaison parce que c’est elle qui me vint à l’esprit à ce moment, et parce qu’elle m’apparaissait exprimer le mieux, par sa nature professionnelle, mon renouveau d’indignation. O matière qu’on m’avait ravie, où étais-tu en cette minute ? O ma greffe, sur quelle souche me continuais-tu ? O ma santé, ne t’exposait-on pas ? O mon bien toujours respecté, sous quelles influences persistais-tu, et ne te profanait-on pas en d’affreuses compagnies ?

Par une inquiétude de même source, je m’interrogeais aussi sur l’origine de la substance que je portais en moi. D’où tenais-je cet échange, à quelle chair avait-il été réclamé ?... Ce mystère me tourmentait autant que l’autre. Tornada avait eu beau me garantir l’immaculé de son troc : je ne pouvais accueillir sa déclaration sans réserves. Il était capable, en son habileté, d’avoir réparé des outrages qui lui eussent été portés : de ces outrages qu’on dit les derniers, mais qui sont en réalité les premiers ; il était capable d’avoir blanchi ce qui avait été noirci ; et dès lors je ne pouvais plus m’enorgueillir que d’une fausse virginité, dès lors une épopée dégradante sommeillait en mes flancs !... Au surplus, si la science commence à distinguer l’influence de l’esprit sur le corps, elle n’a pas encore défini la mesure dans laquelle celui-ci peut agir sur celui-là ; et je me demandais si les sollicitations et peut-être les habitudes de cette région nouvellement emprisonnée dans mon organisme, n’allaient point mener mon cerveau, jusqu’alors moral en ces sortes de choses, aux pires égarements.

— Attendons... me pris-je à réfléchir tout haut. Attendons, et inscrivons sur un calendrier, en toute prévision, la date...