Aussitôt qu’elle me voyait paraître, elle battait des mains :
— C’est toi, ma chérie !... Que tu es gentille de me donner tout ton temps... Que tu es fraîche et jolie ce matin !... Comment t’arranges-tu donc pour être prête d’aussi bonne heure ?... As-tu pris ton bain ?... Veux-tu que je t’en fasse préparer un ? Elle ne me laissait pas le temps de placer une réponse, et chacune de ses phrases était entremêlée d’un baiser qu’elle me donnait aux cheveux, sur ma voilette, sur mes mains gantées, comme si l’idole de son amitié fût digne d’être embrassée jusque sur ses vêtements. Son premier transport passé, elle renvoyait sa soubrette et c’était moi qui la remplaçais. Je la frictionnais d’eau de toilette, je taillais, je rosissais ses ongles aux pieds et aux mains. Je retrouvais ainsi chaque détail de son être adoré, de sa chair somptueuse. J’en découvrais d’autres que j’ignorais. Ainsi, un grain de beauté, tapi sous la toison fauve, à la naissance du bras droit.
— Veux-tu m’aider pour ma gorgerette ?... Je prends soin de me maintenir, tu penses... il faut qu’il retrouve tout ça en bon état, à son retour, ce méchant, qui aura peut-être fait des comparaisons là-bas...
Tandis que je m’occupais ainsi, il m’arrivait d’elle un arôme qui me troublait, non point parce qu’il ranimait le souvenir de mon enthousiasme défunt, mais parce que j’en recevais des délices nouveaux, et du reste jusqu’alors parfaitement innocents. J’aimais faire courir mes doigts sur le grain délicat de sa peau, sur le galbe de ses jambes ; puis la placer à contre-jour, dans la lumière jaune du window, afin que sa chevelure y rayonnât plus encore. J’aimais aussi couvrir de baisers ses épaules nues, parce que j’embrassais de la santé, de la beauté, de la vie éclatante ; parce que, quand même, il y avait de la faiblesse sous