Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quette au poing, son maître et seigneur, — après Dieu :

— Mylord, — déclara le brave marin, — si j’étais demeuré, hier soir, au vent de l’île Graciosa, mon bateau s’y fut infailliblement brisé, et déchiqueté. J’ai vivement tiré trois bords, et fui où j’ai pu, vent arrière, et cyclone en poupe… Je savais que Votre Seigneurie avait de quoi souper… Je ne l’aurais d’ailleurs pas su que j’aurais fait pareil : il me fallait d’abord sauver le bateau que Votre Seigneurie m’avait fait l’honneur de me confier…

— Vous avez à peu près bien fait, — consentit le lord de Galloway, qui avait, tout de suite, ressaisi sa dignité, avec tout ce qu’elle exigeait d’exagération et d’injustice, — le tout, d’ailleurs raisonnablement utile à la chose publique.

Trois ou quatre minutes passèrent. Le comte de Trêves avait pris sa femme entre ses bras :

— Mon chéri ! — murmura-t-il, à l’oreille de la dame, qui sanglotait de joie : les Arméniennes ont une très grande horreur de la mort : — mon chéri, vos pauvres Arméniens !… si nous étions morts, qui les eût défendus contre leurs bourreaux !…

Elle ne sut qu’approuver, même d’un mot : elle pleurait trop, — de bonheur. — Elle embrassa son Pou, à pleines lèvres.

Au fond du Grand Puits, quelques âmes de Turcs morts de faim considéraient peut-être la Vérité redescendue… Et les âmes des Turcs ruinés, avilis, suicidés et massacrés, qui rôdaient alentour, n’eurent qu’à se réfugier au plus profond du Puits de la Vérité.

Cependant, quatre pas plus loin, Mrs. Ashton et Mme Francheville étaient tombées dans les bras l’une de l’autre :

— Ma chérie ! — proclamait celle-ci : — si