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voudras. Je le sais. Mais tant que tu m’auras, tu n’auras que moi.

Elle était jalouse à la manière des jeunes animaux qui ne peuvent souffrir qu’on caresse devant eux un rival, et comme eux trépignait quand seulement, en sa présence, Théoctène faisait allusion à une autre femme. Elle pensait devoir, quand elle se donnait, affecter de la gravité, pour que ce ne fut pas comme avec les autres, et puisqu’il était son amant, son seul amant, elle-même était une espèce d’épouse. Il en fut agacé d’abord, puis, à la réflexion, comme attendri. Parfois au début de leur liaison, quand il ne la pouvait joindre le soir, une amie de Myrrhine venait passer la nuit avec elle. Le matin, quand il rencontrait Philénis, Théoctène ne songeait point à s’en offusquer. À la fin pourtant elle disparut. Il s’informa.

— Je lui ai dit de ne pas revenir, expliqua Myrrhine, sérieusement : ce sont des jeux de petite fille…

Théoctène s’était mis à l’aimer plus encore comme une enfant que comme une maîtresse, sans se douter qu’un tel amour est de tous le plus puissant, le plus difficile à s’arracher du cœur.

Comme il agitait ces souvenirs, Myrrhine cria aux Cappadociens d’arrêter les litières. Il lui avait pris fantaisie de vouloir souper, de la chair de ces poissons miraculeux, avant de rentrer à Corinthe. Théoctène y consentit volontiers. Mais où trouver un traiteur ? Il ne se rappelait aux environs qu’Hermès, l’ancien chef des cuisines du gouverneur Pérégrinus. Affranchi par son maitre depuis plusieurs années, ce