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viendrait jeter voluptueusement quelques graines d’encens avant de s’étendre, nue, aux côtés de son amant… Aristodème s’approcha :

— Vous ne savez pas la nouvelle, dit-il, fort animé : l’édit impérial de poursuites contre les chrétiens va être publié à Corinthe. Voilà ce qu’est venu annoncer Synésios, qui a devancé le messager augustal. Et il fuyait… Le principe, c’est que les chefs doivent éviter, autant qu’ils le peuvent, d’entrer en conflit avec les magistrats : ils se conservent libres, pour soutenir et diriger le troupeau. Mais à Thessalonique une douzaine de chrétiens et trois jeunes filles, Irène, Agapé, Chioné, ont déjà passé par le bûcher : une affaire de livres servant à cette secte et qu’on a trouvés chez elles. D’autres chrétiens, en grand nombre, sont en prison : Agathon-Porphyridès, entre autres. Je crois que vous le connaissez : c’est le fils d’un ancien ami de votre père. Je ne nomme que les personnes de la bonne société ; beaucoup de gens du petit peuple ont été exécutés, naturellement. Et en Phrygie, les choses vont plus fort : Galère a toujours tenu pour les mesures énergiques ; c’est un soldat ! Il paraît qu’il y a une ville où l’on a entassé tous les chrétiens dans leurs basiliques, et puis on a mis le feu. Ils ont été brûlés, tous brûlés !

Il débitait ces nouvelles avec la fierté d’un informateur de première main, et sans déplaisir. Jadis, sous Épiphane, les juifs aussi avaient été décapités, grillés, mis sur le chevalet. À cette heure ils avaient fait leur paix avec l’Empire. Même ils le protégeaient ! C’était le tour des chrétiens, qu’ils considéraient comme des déserteurs de sa foi.

— On ne brûlera personne à Corinthe ! répondit Théoctène.

Il ne pouvait croire, en vérité, qu’il se rencontrât quelqu’un, dans cette ville aimable, pour