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son mariage elle venait de lui donner un fils, ou, comme disaient les Romains fidèles à une vieille manière de dire qui signifiait la solidité, l’éternité de la famille incarnée dans son chef « Agabus s’était accru d’un fils ». Fulvia ayant quitté Thessalonique pour faire ses couches chez sa mère Hortensia, le palais du gouverneur était orné de guirlandes ; tout ce que Corinthe comptait de dames prétendant à quelque distinction s’empressait d’aller saluer l’accouchée.

Théoctène avait promis à Myrrhine, six mois auparavant, qu’il renverrait sa maîtresse. Il n’avait pas eu cette peine : il ne lui avait fallu que rompre les relations presque discrètes qu’il entretenait avec Eutropia, épouse de Velléius Victor, personnage important, principal « notaire », c’est-à-dire secrétaire du gouverneur Pérégrinus, comme lui de naissance romaine, et même de famille plus ancienne, bien qu’il ne soit point patricien. Il en avait peu coûté à Théoctène : cette personne orgueilleuse de son origine, et qui n’était point de la première jeunesse, n’avait intéressé que sa vanité. Eutropia, pour sa part, lui eût plus aisément pardonné s’il ne l’eût — cela était public — abandonnée pour une esclave d’Aphrodite, et de la plus basse classe, que même il avait dû racheter à la Grande Prêtresse. Craignant qu’Eutropia ne fit saisir Myrrhine par ses gens, qui la battraient de verges, ou peut-être la précipiteraient un soir dans les eaux du port, sortes de vengeances qui n’étaient point sans précédents, il avait dû commander à ses Cappadociens de surveiller les abords de la maison qu’il avait donnée à son amie.

Eutropia, en raison de la situation de son mari, fut des premières à rendre visite à Fulvia. Hortensia, grand’mère de l’enfant, accueillait les compliments dans le gynécée, présentait le nou-