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quand les morts reviennent ! Moi, j’aime les morts, et leurs ombres. Je ne les crains pas. J’écoute leurs confidences, et j’en vis… Et je crache aussi sur vos dieux : il n’y a que les morts !… Mais la douleur des vivants aussi !

Ô Myrrhine, si tu connaissais l’étrange volupté de se pencher vers ceux qui souffrent. Par la pitié on est conduite à quelque chose de plus fort que l’amour, et qui le suscite.

— Alors, Rhétikos ?…

— En connaîtrais-tu un plus misérable ? Regarde !

Le mendiant sortait du fossé, comme en rampant. Il cagnait des deux jambes, ainsi qu’un chameau qui s’agenouille ; une taie noirâtre couvrait un de ses yeux. Myrrhine se détourna. Elle ne pouvait contempler qu’avec répugnance la laideur et les maux qui frappent les mortels.

— Montre ta paume, fit Ordula, que je te dise ton destin.

— Pas maintenant. Il est tard. Viens un jour chez moi, tu sais ma demeure… Mais sans lui ! ajouta-t-elle en frissonnant.

— Il ne m’accompagne jamais. Il mendie sur le marché quand je cours la ville… Donne-lui quelque chose, en attendant…

Fulvia, fille de Marius Fulvius Pérégrinus, patricien bien que de date récente, et gouverneur de Corinthe, avait épousé le Grec Romanisé Agabus, homme d’affaires expérimenté, procurateur pour Thessalonique des domaines particuliers que Sa Divinité l’Empereur Dioclétien possédait dans cette province : charge qui le devait mener à des fonctions plus éclatantes, assurant le titre de Clarissime. Dix-huit mois après