Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/130

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de sa chaussure légère, une simple semelle de cuir blanc, que des lanières également blanches, à peine rehaussées de quelques broderies d’argent, attachaient haut sur la jambe. Mais on sentait flotter autour d’elle le parfum violent d’amome et de costus qui dissimulait l’odeur de la pâte à base de graisse de brebis dont elle couvrait la nuit son visage afin de lui conserver une fraîcheur menacée ; et chaque fois qu’elle tournait la tête, sous une chevelure qui resterait désormais perpétuellement blonde, on entendait s’entrechoquer ses crotales : trois chutes de trois perles, à chaque oreille, en forme de longues larmes, illuminées encore de gros diamants, et si lourdes que les lobes se distendaient. Ne s’abaissant plus à solliciter les hommages, dédaignant de sacrifier à la Fortune Virile, Hortensia prétendait à l’autorité. Mais une froide réserve, parfois, n’est-elle point le moyen le plus sûr d’affirmer celle-ci ? Ce fut, en ce moment, son attitude. Si la Divinité de l’Empereur avait parlé, c’était un devoir pour le gouverneur d’exécuter ses ordres. Elle s’en tint là. On n’osa lui en demander davantage. Les poursuites contre les chrétiens ne furent plus envisagées que sous l’apparence d’une éventualité possible, à laquelle il convenait peut-être de se préparer. Mais Corinthe avait vécu jusque-la dans une telle paix intérieure, une si parfaite indifférence de ce qui n’était pas ses plaisirs et son commerce, que nulle, parmi les personnes présentes, n’avait une idée bien claire de la forme que ces poursuites pourraient prendre. On souhaitait interroger hortensia. D ailleurs, depuis plus de deux siècles que les mœurs asiatiques avaient pénétré dans l’Empire, bien des femmes voulaient s’intéresser aux événements politiques, et souvent les intrigues des gynécées n’avaient pas été sans influence sur les résolutions des divins augustes.