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La plus ardente à s’informer ne fut toutefois aucune des Corinthiennes, d’origine hellène ou latine, venues en ce jour aux nouvelles sous couleur d’une visite de cérémonie, mais une jeune fille qui jusque-là, comme réfugiée près du lit de la jeune mère, avait gardé le silence. Fulvia, avant son mariage et son établissement à Thessalonique, lui montrait une amitié fervente. À son retour à Corinthe, elle l’avait retrouvée avec transports. Eutychia, vêtue habituellement d’une tunique blanche très simple, malgré la fortune de sa famille, sans un bijou, sinon le cercle d’or qui contenait ses cheveux, prenait part assez rarement aux conversations. Elle y semblait presque toujours indifférente ; on s’expliquait mal l’affection presque passionnée qui la liait à la fille du gouverneur. Cette fois, paraissant sortir de sa réserve, elle mit de l’insistance et de la vivacité dans ses questions.

— …Je ne sais trop comment les choses se pourraient passer, fit Hortensia d’un air d’indifférence. Comme sous l’Empereur Valérien, sans doute, au temps de ma jeunesse : avec la plus grande bienveillance. On fermerait les lieux d’assemblée des chrétiens, on séquestrerait, par voie d’arrêtés administratifs réguliers, les livres et les objets destinés à la célébration de leurs mystères. Et après avoir consacré aux dieux de la cité et à la divinité de l’Empereur les denrées indispensables à la nourriture des citoyens, on exigerait des adeptes qu’ils vinssent brûler, sur des autels légitimes, quelques grains d’encens. Voilà tout. On ne demande même pas aux chrétiens de renoncer à célébrer leurs rites, qu’on dit obscènes, dans leurs demeures particulières, s’ils rendent hommage en même temps aux dieux de l’Empire. Ce sont des mesures très douces.

— Mais, demanda Eutropia, s’ils refusent de sacrifier ? S’ils prétendent enlever de ce qu’ils