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l’accroissement de sa famille, il avait sous les yeux les termes du rescrit, tracés en onciales rouges sur un parchemin d’où pendait le sceau impérial : ils étaient pressants, ne semblaient laisser de place à nulle hésitaion. Velléius Victor, son notarius, qu’il avait mandé, attendait ses instructions ; le gouverneur n’en donnait aucune, silencieux, ne sachant quoi décider. Et Velléius, le sachant d’ordinaire plus rapide en ses résolutions, s’étonnait.

— Évidemment, dit enfin Pérégrinus, il faut exécuter l’édit. Les ordres Sa Divinité sont toujours vénérables ; en cette occasion, ils sont précis. Cependant ; il est diverses manières d’y obéir. On y peut mettre avec une égale exactitude, plus ou moins de précipitation et de rigueur : publier l’édit, par exemple, et puis attendre quelques jours.

— Alors, observa Velléius, on trouvera les lieux d’assemblées des chrétiens, dépouillés par eux des livres et des objets que nous devons confisquer pour rendre leurs réunions, impossibles. Le séquestre s’exercera sur le vide, le parchemin de nos inventaires va demeurer une feuille blanche. Les plus ardents ou les plus compromis des chrétiens auront eu le temps de fuir. Il ne restera guère que ceux qui consentiront le plus volontiers à signer une formule d’abjuration.

— Justement, répondit Pérégrinus avec un sourire, justement ! Tu es intelligent, Velléius, je te sais prudent, avisé, subtil. Laisse-moi donc m’ouvrir à toi, entièrement ; la question que je te pose est celle-ci : que deviendrons-nous plus tard, toi et moi, si les mesures prévues par Dioclétien-Jovien, la volonté plus énergique encore de Galère, n’aboutissent point à détruire la faction chrétienne, à l’effacer du monde ? Je dis la faction, non pas seulement la secte ; je m’exprime en politique. Car c’est là que nous en