Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/140

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pathies pour les chrétiens à cause de toi ; c’est toi que j’aime en eux, voilà tout… Est-ce vrai que tu veux décidément devenir chez eux une vierge consacrée ? Cela me paraît bien ridicule, et, pour moi, bien cruel : j’aurais tant aimé être ta pronuba, à te révéler les secrets qu’une fille doit connaître, le soir qu’elle attend son époux… Allons, mes plaintes seront pour une autre fois ; va-t-en tout de suite, mais bien tranquillement, comme à l’ordinaire, que nul ne se puisse douter que je t’aie rien dit…

La fille de Pérégrinus ne savait pas que dans le même moment, aussitôt Vélléius éloigné, son père avait expédié un messager discret à Didyme, l’un des flamines de Corinthe, que cette magistrature, à la fois religieuse et municipale, obligeait de prendre part aux sacrifices, dans les circonstances solennelles. Depuis longtemps, sachant que Didyme était chrétien, il fermait les yeux sur ses absences en de telles occasions ; et celui-ci, personnage opulent, qui faisait avec les ports d’Asie un grand commerce, savait reconnaître cette bénignité. Pérégrinus comptait bien qu’il en serait de même encore à cette heure… C’est ainsi qu’aux époques de crises ou de discordes civiles, il n’est pas sans exemple que les mesures les plus rigoureuses soient précédées d’actes de bienveillance ou d’indulgence individuelles, que dictent parfois l’intérêt, d’autres fois le dévouement de l’amitié, l’exaltation de l’amour.

Sans tarder, Eutychia avait couru avertir Onésime. L’évêque de Corinthe était un juif de Sichem en Palestine, mais entièrement hellénisé, philosophe platonicien converti au christianisme, pro-