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pressait. Mais alors le souvenir de crises semblables traversées par l’Église dicta ses résolutions.

Synésios, l’évêque de Thessalonique, avait déjà trouvé un refuge chez des vignerons, braves gens quoique païens, affranchis d’Eutychia. Son devoir était de conserver la direction du troupeau, non point d’affronter personnellement la lutte avec les fonctionnaires de l’Empire. Lui, Onésime, au risque d’être arrêté, devait rester dans Corinthe pour empêcher ses frères de faiblir, et confesser la foi. Il était bon pourtant d’assurer la liberté à quelques anciens régulièrement ordonnés, car la religion des chrétiens n’était pas seulement affaire de dogmes, de morale, de conduite individuelle, mais d’abord la célébration fréquente d’un mystère unissant l’adepte à son Dieu, et qui, faisant participer celui-ci aux mérites, même, en quelque sorte, à la nature divine du Christ, garantissait à son âme, en la purifiant, le salut éternel. De là, aussi, la nécessité de mettre à l’abri les objets indispensables à la célébration du mystère : les vases sacrés, les livres surtout révélant les paroles qu’il faut prononcer pour évoquer, susciter sur la terre la Divinité : donc, éviter à ces objets la confiscation ! Onésime ne doutait pas du dévouement d’Eutychia. Elle était arrivée dans sa litière, avec ses propres esclaves. Il lui jeta les livres dans les mains :

— Emporte-les. Ta maison est sûre… Plus tard, on te fera connaître le lieu où il convient que tu les déposes.

— La maison de Pérégrinus est plus sûre encore ! suggéra Eutychia, qui songeait à ses relations avec Fulvia.

L’évêque sourit. Le tour lui paraissait de bonne guerre, et spirituel. Il entassa les livres