Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se connaître elle-même, non plus qu’aucun mortel : nul ne sait jamais la vérité sur sa propre pensée, puisqu’il en peut changer.

— Non ! fit Myrrhine.

— Je te salue, exception divine et salutaire ! Et je te crois ! Petite fille, l’amour est dans tes yeux, la volupté sur les deux roses de tes seins — et ailleurs, encore, ailleurs ! Je te chanterai, sur le mode qu’inventa Sapho. Cependant l’orgueil d’être à un seul est un mauvais orgueil ; c’est un péché contre Aphrodite : elle se vengera !

— Ne dis pas cela ! Ce sont les paroles qu’on prononce en riant, ou sans y songer, qui portent malheur… Parfois, pourtant, j’ai la même idée, et je voudrais mourir avant d’avoir connu la vieillesse, non pas à cette heure. Mais tiens ! je viens de jeter ce pépin de pomme au plafond, et il est retombé sans l’atteindre : c’est signe que ce vœu ne sera pas exaucé !

— Alors qu’Aphrodite détourne sur moi la funeste parole sortie de ma bouche. L’âge de Céphisodore est plus du double de celui de Myrrhine ; qu’elle vienne jeter une coupe de vieux vin sur mon bûcher, cette libation sera chère à mes cendres. La vie est un don des Immortels : je t’aime, petite fille qui sais le prix de ce présent !

— Comment ne le goûterais-je point ?

Et, malgré qu’elle regardait Théoctène, son amant se sentit jaloux.

— On m’a parlé, dit-il pour les interrompre, d’un pamphlet de Pachybios. Quelqu’un l’a-t-il lu ?

— Moi, répondit Philomoros : il est très amusant ! Il paraît que ce Jésus, dont les chrétiens veulent faire leur dieu, ne fut nullement crucifié comme ils y tiennent — pour quelle raison, je l’ignore : un dieu crucifié est dans une posture bien répugnante ! — Il a couru la Palestine jus-