Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme greffier principal — commentariensis — de Velléius Victor, chargé de lui soumettre les dossiers des chrétiens. Sous les colonnes du péristyle, devant une statue de Trajan qu’on avait décapitée pour enter sur ses épaules le chef de Dioclétien divinisé, il avait fait dresser l’autel des sacrifices, piédestal cannelé dont le chapiteau corinthien soutenait un bloc de marbre carré. Pérégrinus, portant le laticlave patricien, était assis dans une haute chaire incrustée d’ivoire. Velléius, ainsi que les scribes qui l’aidaient dans sa besogne et prenaient note des décisions du juge, était vêtu, par-dessus sa tunique blanche, comme les autres citoyens, d’une pièce d’étoffe laineuse, serrée à la taille par une ceinture, avec des ouvertures pratiquées au milieu et sur les côtés pour laisser passer la tête et les bras. Ce phélonion pour Velléius était teint de pourpre violette, ceux de ses subordonnés de couleur blanche ou brune. Cette place assez vaste, ceinte de tous côtés de hauts portiques, et, vers la baie de Corinthe, de propylées de marbre décorées à leur base de statues colossales aux musculatures excessives, était dominée par une terrasse que précédaient d’autres portiques, et la masse rectangulaire et nette du vénérable temple d’Apollon, vieux déjà de plus de huit siècles. La gravité presque nue de l’appareil judiciaire s’y chargeait d’une grandeur simple. On sentait en vérité veiller sur elle les dieux de Rome et de l’Hellénie. Là haut, sur les encoignures du temple des acrotères en bronze doré éclataient dans l’air bleu.

Pérégrinus n’avait point, dans le fond, changé d’avis. Il souhaitait réserver l’avenir, et, obéissant à la lettre de l’édit, procéder à quelques exemples nécessaires, mais le moins possible, avec prudence et longanimité ; enfin, ne pas se faire, des principaux parmi les chrétiens, d’irré-