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grinus hésitait à lui accorder une grâce qui serait taxée de faiblesse. Sa femme Hortensia déjà l’en accusait. Elle trouva une alliée dans Eutropia : la maîtresse abandonnée de Théoctène s’inquiétait d’une mansuétude qui lui donnait à penser que Myrrhine échapperait au piège tendu. Ordula lui avait fait savoir que cette rivale y était tombée ; mais il ne suffisait point à Eutropia que Myrrhine fût en prison ; il fallait qu’elle n’en sortît que pour la condamnation la plus lourde, qui assouvirait enfin sa rancune. Ces motifs, qu’elle ne pouvait avouer, l’opposaient à Fulvia. Et le gouverneur persistant à se féliciter des résultats de sa prudence, Hortensia n’eut pas de peine à persuader à l’ennemie de Myrrhine d’agir alors sur son mari Velléius. En sa qualité de greffier principal il pouvait préparer, pour l’audience du lendemain, les dossiers des chrétiens les plus résolus, les plus endurcis : et ceux-ci, par leur obstination, obligeraient Pérégrinus à des mesures de violence. On le savait plus subtil que courageux, soucieux de son avenir de fonctionnaire, mais plus encore de sa sécurité personnelle ; on prévoyait qu’une fois qu’il aurait déchaîné contre lui la colère de la secte, il redouterait les conséquences lointaines de ce ressentiment : il ferait tout alors, au lieu de la ménager, pour que l’Empire en fût à jamais débarrassé par l’abjuration, par la destruction des églises, par les supplices.

Le grand nombre même des chrétiens impliqués dans l’affaire, le trouble qu’elle jetait dans la ville, avaient obligé Velléius, son personnel de police ne se trouvant point suffisant, à requérir le concours des quelques cohortes régulières