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moins ardents, se trouvaient en liberté complète, n’ayant point été cités : quel que fût le soin mis par Velléius à la préparation des listes, il était inévitable qu’elles eussent laissé échapper bien des noms ; et il se pouvait même que, pour les plus opulents et les plus considérables, à condition qu’ils n’eussent point de rang dans la hiérarchie des Ecclesiæ et ne fissent point de propagande, cette omission n’eût pas été involontaire. S’étant réunis en de secrets conciliabules, ils se demandèrent s’il ne fallait point lutter, même au péril de leur vie, contre ce courant général de soumission qui semblait devoir anéantir la communauté.

Onésime, évèque de Corinthe, s’était laissé arrêter, en vertu des décisions prises. Mais l’évêque de Thessalonique se cachait toujours dans les environs de la ville. Ils lui firent demander ses instructions. Synésios, considérant que la modération politique du gouverneur pouvait avoir en effet des conséquences graves, et même désastreuses, répondit que l’on devait accentuer les attitudes, créer au besoin des incidents devant le tribunal, pousser Pérégrinus à des mesures rigoureuses qui, si elles pouvaient épouvanter les faibles, inspireraient aux âmes indépendantes et fortes l’indignation que suscite habituellement la violence, provoque même parfois un revirement d’opinion.

Sans que les chrétiens l’eussent pu prévoir, l’accueil que reçut le gouverneur à son retour dans sa demeure prêta quelque appui aux résolutions extrêmes de l’évêque. Le palais, comme la ville, était partagé entre deux factions. La fille du gouverneur, indignée de l’arrestation d’Eutychia, insistait pour que son amie fût relâchée sans qu’on perdît un instant. Sans être chrétienne, elle penchait pour les chrétiens. Bien qu’il déplorât l’excès de zèle de sa police, Péré-