Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cependant que l’eau, tranchée par l’étrave, écumait en frissonnant tout le long de la coque.

II

La cloche du bord ayant piqué six, — soit, en langage de terriens, onze heures du matin, — la Feuille de Rose fut dans les eaux de l’île, et la rangea d’assez près. Lors, les hôtes de lord Netlewood parurent, et commencèrent d’échanger les salutations matinales, tout en considérant, non sans curiosité, la haute falaise volcanique de Graciosa, qui défilait maintenant, à contre-bord du yacht.

Vint d’abord le prince Alghero, qui avait cinquante ans, et que lord Nettlewood aimait de prédilection, parce qu’ils étaient l’un et l’autre également grands seigneurs, quoique l’un fût puissamment riche, et l’autre fort gueux. De quoi résultait d’ailleurs que, si Nettlewood, multimillionnaire, chérissait Alghero, parasite, Alghero chérissait moins tendrement son hôte et bienfaiteur.

Vinrent ensuite, ensemble le peintre espagnol Juan Bazan, un peu plus âgé que n’était le prince italien, et le comte français Henry de la Cadière, beaucoup plus jeune : La Cadière n’avait pas trente-cinq ans, et n’en paraissait pas vingt-cinq. Suivit l’honorable Reginald Ashton, qui n’avait point d’âge, et jouait avec une correction parfaite, — en apparence, — les maris parfaitement insignifiants. Reggie Asthon jouait encore, mais seulement pour l’usage de lord Nettlewood, les confidents discrets ; les complaisants aussi. Derrière lui les dames se montrèrent, en groupe : Mme d’Aiguillon, la marquise douairière, affolée de voyages et d’exotisme ; Mme de Trèves, la toute petite comtesse bébé, que son mari nom-