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— Mais puisqu’ils le disent ! interrogea le gouverneur étonné. Quel dieu adorent-ils donc ?

— Le même que nous, et leur foi est la même, mais ils obéissent à un évêque indigne, qui a livré à la police les livres et les vases de ses églises. Pour ce crime il a été déclaré traître. Les prêtres qu’il a consacrés sont irrégulièrement ordonnés, et par conséquent ceux qui furent baptisés par eux, ou seulement les écoutent, ne peuvent être chrétiens !

Telle était dès lors la diffusion du christianisme, l’irrésistible mouvement qui vers lui entraînait les âmes, que les schismes, les hérésies s’étaient multipliés. Il en est ainsi de toutes les idées fortes qui s’imposent au monde : elles soulèvent des interprétations infinies ; mais il était naturel que les chefs de l’Église orthodoxe voulussent maintenir l’unité du troupeau.

Les habitudes d’esprit de Pérégrinus l’engageaient à profiter de ces dissensions. Plus tard, l’empereur Julien adopta la même politique.

— La Divinité de l’Empereur, dit-il, n’a d’exigences et ne saurait porter de sanctions qu’à l’égard des véritables chrétiens… Si ceux-ci ne le sont point… Qu’on les remette en liberté.

Mais, parmi ces Circoncellions — on les nommait ainsi parce que, très pauvres gens pour la plupart, ils mendiaient et pillaient les moissons autour des masures des paysans, — ce fut une explosion de rage. Dans leur appétit dévorant de tortures et de mort, ils seraient déçus ! Vomissant des blasphèmes inouïs, des mots orduriers, levant impudiquement leurs manteaux, ils esquissaient devant l’idole de l’Empereur divinisé un geste obscène ; et leurs femmes — car il en était avec eux, hurlant comme les chiennes aboient — tournant le dos, lui montraient le derrière.

— Nous sommes chrétiens ! Ce sont les autres