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— Alors, déclaraient les politiques, nous les transporterons à Rome, à Nicomédie, à cette Byzance que Sévère a commencé de bâtir sur l’une des rives de l’Hellespont. Nous en ornerons les places et les hippodromes : nous les laïciserons.

— De la sorte, j’y consens, répondit le jeune homme.

Pourtant il s’inquiétait encore d’autre chose.

— Vous prétendez, disait-il, devenir maîtres de l’Empire, et vous repoussez le service militaire. Si tous les sujets de César sont chrétiens et refusent de porter les armes, il n’y aura plus d’Empire. Celui-ci croulera. Il ne saurait s’opposer aux entreprises des barbares du Nord, et des Parthes.

Mais les chrétiens répondaient en riant :

— Nous refusons le service militaire à l’Empire parce que l’Empire est notre ennemi. Mais du jour qu’il nous appartiendra, ce sera bien différent. Nous lui servirons volontiers de soldats contre nos ennemis, qui seront les siens. Nous n’hésiterons pas à user du glaive contre les adorateurs des images et faire pénétrer notre foi chez ceux-ci en reculant les bornes de l’Empire. Il fallait savoir mourir pour remporter la victoire.

Il faudra savoir mourir pour l’exploiter : nous ne l’ignorons point.

— Vous m’en direz tant ! faisait Cléophon.

Il trouvait en cela les chrétiens assez intelligents et sympathiques.

Il s’étonnait du peu d’inquiétude que montrait le courtier Aristodème. Celui-ci, sans détours, lui en donna la raison : « Ce n’est pas, dit-il, comme chrétien que je fus arrêté. On sait que je suis juif, uniquement juif, et les juifs sont les amis de l’Empire. Je ne suis qu’accusé d’une opération que l’édit rendait illicite. Et, comme je suis riche, il ne s’agit que de me faire payer ma