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chemin de ronde, aussi par les rares amis qu’ils avaient conservés dans Corinthe, les chrétiens apprirent que la fin approchait. L’évêque, prévoyant qu’il serait alors l’un des premiers à subir le supplice, résolut de célébrer lui-même, une dernière fois, avec autant de majesté que le permettaient les circonstances, le mystère du Saint-Sacrifice.

On en fut averti par un hymne lent et solennel, sorte de leçon qu’un diacre chantait sur quelques notes seulement, semblable à la mélopée dont les acteurs tragiques de l’Hellénie accompagnaient leurs rôles. Toute l’assemblée reprit la dernière phrase, puis ce chœur se divisa en deux parties ; et ces voix ardentes, profondes, passaient d’un frémissement d’angoisse à la sérénité d’une confiance sublime.

Myrrhine et Cléophon voulurent s’approcher ; on les repoussa. Seuls les « compétents » baptisés étaient admis à participer au mystère. Les autres, simples catéchumènes, candidats au baptême, pénitents retranchés de la communion des fidèles jusqu’à l’expiration de leur peine, furent maintenus à l’extérieur du cercle. Tel était l’usage des chrétiens dans les édifices où ils tenaient leurs assemblées régulières. Mais cette fois la célébration du sacrifice avait lieu à l’air libre, dans la cour du Téménos, et ceux qui n’étaient point « compétents », les infidèles même, Myrrhine, Aristodème, purent, du sommet des portiques, assister de loin aux cérémonies.

Onésime, le célébrant, les mains croisées sur la poitrine, était assis sur un siège de bois. Un diacre, à ses côtés, implora la faveur céleste. Le mystère se développait comme une tragédie à laquelle tous prenaient part, et qui n’était jamais tout à fait la même. À cette époque, seules les principales péripéties en étaient fixées ; les paroles en demeuraient pour la plus grande part