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improvisées, et le génie ou la passion du célébrant, l’inspiration de son éloquence qui variait selon les sentiments dont il était pénétré, les événements funestes ou favorables, leur prêtait un caractère incessamment nouveau, parfois poignant comme à cette heure, toujours auguste.

« …Pour la paix et le bonheur du monde disait le diacre… Pour la Sainte Église des Apôtres… Pour les prêtres, pour les néophytes, pour les petits enfants, pour nous, Seigneur, pour nous aujourd’hui dans l’angoisse, demain dans les supplices, en ta présence terrible, nous t’invoquons, Seigneur, Seigneur ! »

Et les participants, la face écrasée sur le sol, répondaient en gémissant : « Seigneur, Seigneur, pitié ! Relève-nous, sauve-nous, Seigneur ! »

Déjà Cléophon frémissait d’une émotion brûlante, d’une impatience mystérieuse. Il était comme transporté ; il attendait, le cœur bondissant, il ne savait quoi d’immense, d’impérieux, d’irrésistible.

— J’ai déjà vu tout cela dans nos synagogues ! lui dit froidement Aristodème.

Un chrétien, près de lui, répliqua dédaigneusement :

— Attends ! Depuis trois mille ans vous en étiez restés là : mais nous !

Les chrétiens s’étaient redressés. Dans la certitude qu’un événement sublime, ineffable, s’allait manifester, ils s’avançaient radieux les uns vers les autres ; ils se donnaient le baiser de paix, sur la bouche, les hommes aux hommes, les femmes aux femmes. Attentifs, des serviteurs sacrés scrutaient leurs rangs. Il n’y devait rester personne d’indigne, ni d’impur. Ce qui allait se passer était le plus grand des mystères : seuls les mystes le pouvaient voir s’accomplir. Les acolytes repoussaient plus loin les incompétents. Ils conduisirent doucement hors du cercle un petit