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Ainsi s’en allait… non pas au gré des vents, car le vaisseau à voiles sait, plus intelligemment que le vaisseau à vapeur, réagir contre les forces brutes qui l’entourent, mais au gré de ceux qui le menaient, lesquels étaient menés par d’autres forces, impondérables… ainsi s’en allait vers sa destinée le yacht de lord Nettlewood… Ainsi s’en allait-il, de Funchal la Madéroise à la Luz des Canaries, — quand, ce matin d’octobre 19… Graciosa, surgissant de l’horizon rond, l’avait happé au passage. Et, docile au Destin, la Feuille de Rose maintenant se hâtait vers son mouillage… je veux dire vers le point de la carte où elle devait, sans mouiller, stopper et débarquer sa vedette : à savoir, la petite crique de l’île au Grand Pic et au Grand Puits, dite Graciosa…

IV

— Eh bien ! — proclama Germaine Francheville, rendant au comte de la Cadière ses jumelles marines, — mon opinion est faite : cette petite crique est adorable. Et je découvre un véritable sentier qui, parti du bord de l’eau, s’élève très confortablement jusqu’au plus haut de la falaise, c’est-à-dire jusqu’à l’intérieur de l’île. Rien ne sera donc plus facile, comme vous le désirez, lord Nettlewood, que de grimper par là, nous, nos gens et nos provisions. Nous déjeunerons donc tout à l’heure au pied même de ce Grand Pic dont on voyait naguère la cîme par-dessus les nuages !

— Il n’y avait pas de nuages, — fit observer la petite comtesse de Trêves, innocente.

— C’est une manière de parler, — expliqua Mme Francheville, condescendante.

— Et d’ailleurs, s’il n’y en avait pas, il y en a