Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fond d’un portique. Il lui parlait tendrement, lui-même attendri, sans qu’elle prêtât nulle attention à ses paroles ; et comme elle ne bougeait point, hors d’elle-même, l’attirant dans ses bras, il la berçait doucement… Myrrhine se laissa prendre, d’abord sans résistance, puis avec emportement. Peut-être Théoctène lui-même n’avait-il jamais tenu contre sa poitrine une amante aussi passionnée, acharnée jusqu’à la frénésie aux curiosités suprêmes de l’impudeur. La lune montait dans le ciel, et comme ils s’étaient réfugiés dans l’ombre portée d’un pilier d’angle, l’obscurité, autour d’eux, se faisait plus profonde ; ils ne se voyaient point. Mais l’astre, se déplaçant, éclaira le corps de Myrrhine abandonnée, p resque nue. Toujours insoucieuse de ce qui n’était point le délire de ses sens, elle ne parut pas même regarder l’homme qui venait de la posséder. Mais Aristodème contempla longuement, avec ce plaisir reconnaissant des amants victorieux, le genou jeune et rond que cette lumière paisible et bleue montrait à travers l es voiles dispersés. S’étant penché, il la baisa au front, avec respect, car il aimait véritablement la beauté des femmes, appliquant son admiration à des détails qu’eussent négligés des hommes de moins d’expérience, ou plus grossiers.

— Les genoux, dit-il, ont une figure, Myrrhine. Les tiens ont le sourire et la jeunesse de ceux d’Aphrodite quand elle sortit des flots. Bien fière peut être la femme qui les possède !

Ce ne fut qu’à cet instant que Myrrhine parut prendre conscience qu’il existait, qu’il était là, que c’était à lui qu’elle s’était donnée. Et ces paroles, ces paroles, elle les avait déjà entendues ! C’étaient celles que prononçaient autrefois certains de ses amants, avant qu’elle connut Théoctène, ceux qui voulaient reconnaître d’un