Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/222

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peu d’élégance et de délicatesse — ne fut-ce que pour accroître l’illusion de leur plaisir — les enlacements qu’ils payaient. Tout son passé, ce passé dont elle croyait n’avoir même pas gardé le souvenir, tant il s’était confondu, dans ce qu’il avait de doux, ou de seulement supportable, avec les souvenirs que lui avait laissés Théoctène, venait de reparaître, de s’imposer, de lui faire horreur. Ce n’était donc pas Théoctène son dernier, son seul amant ? Il y avait cet homme, devant elle. Tout était sali, tout était fini. Elle ne savait même plus maintenant à quoi ne plus vivre était bon. Elle n’était plus que Myrrhine, une petite courtisane, toujours une petite courtisane, une esclave de la Déesse et des mâles… Elle cria :

— Va-t-en ! Va-t-en !

— Myrrhine…

— Va-t-en !

Plus jamais elle ne le voulut revoir, détournant les yeux quand il la voulait aborder. Du reste elle ne parla plus à personne, jusqu’au jour que les stationnaires de Pérégrinus la vinrent chercher, pour le supplice, avec les autres…

Jusqu’au moment que Myrrhine expira, elle ne prononça plus qu’un seul mot. Sans doute lui dut-elle son auréole.

Les chrétiens recevaient la mort non loin de Téménos, sur une sorte de terrasse naturelle où croissaient quelques vieux oliviers, et les païens de Corinthe, avec certaines personnes qui, sans l’oser manifester, penchaient pour la religion nouvelle, s’assemblaient alentour pour assister aux exécutions, groupés sur les ondulations pierreuses qui dévalent de l’Acro-Corinthe. Eutropia