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filles, mais prodigue aux veuves autant qu’aux divorcées. À cet égard, Mrs. Ashton, d’ailleurs, ne le cédait à sa rivale qu’en apparence, l’honorable Reginald Ashton n’ayant jamais pu passer nulle part, même s’il l’eût souhaité, pour un mari encombrant. Malgré quoi, Grace Ashton, toute libre qu’elle fût dans tous ses mouvements, n’avait su s’opposer au flirt naissant de Germaine Francheville et d’Henry de la Cadière.

Et celui-ci pourtant n’était nullement las de sa maîtresse. Il n’en avait pas moins divisé ses soins entre l’avenir et le présent. Hélas ! telles sont les fragilités amoureuses de toute la gent humaine ! Las, mon Dieu ! quoi de mieux quand on y songe, pour nous distraire des cheveux blonds, — voire, pour nous les embellir, que les cheveux noirs ? Grace Ashton était dorée comme une moisson, et Germaine Francheville si brune qu’en la regardant on songeait à l’encre frais versée d’un encrier sur une feuille de papier rose. Tout cela, pour excuser le comte de la Cadière. Si tant est qu’un chasseur d’à peine plus que trente ans ait besoin d’excuse pour courir deux biches à la fois.

Du reste, en l’occurrence, la biche blonde était forcée depuis beau temps. Mais la biche brune continuait d’aller d’un pied leste, et quoique peu à peu pressée par le chasseur, le défiait encore assez allègrement.

VI

— À débarquer la vedette ! — avait commandé Patrick O’Kennedy, capitaine du yacht.

— Hûûûitt ! — avait répliqué du plus aigu de son sifflet d’argent le gabier Kerrec, pour l’heure maître de quart.