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— Sondez voir le fond ?…

— Pas de fond ! — répondit l’homme de tribord, après avoir vainement tâté, du bout de sa gaffe, lancée droit, la profondeur de l’eau, merveilleusement bleue.

— C’est un gouffre ! — prononça, mi-haut, mi-bas, lord Nettlewood.

Un petit rire fusa. L’honorable Reginald Ashton, discret et secret, se réjouissait en soi-même. Et sa femme, curieuse, s’en étonna :

— Reggie, cher ! pourquoi êtes-vous si gai ?

Mr. Ashton considéra Mrs. Ashton :

— Je pense, Grace, chère… je pense au Grand Puits, qui est dans cette île…

— Est-ce si drôle ?

— Eh ! oui… parce que vous avez entendu notre noble ami, lord Nettlewood : il pense que cette île au Grand Puits est érigée au-dessus d’un gouffre véritable.… donc, que l’eau de la mer, — l’eau salée, — entoure les bases de l’île, les fondations, si j’ose dire, jusqu’à je ne sais quelles profondeurs… l’abîme de l’Apocalypse, chère !… songez-y… Or, d’autre part, le capitaine Patrick O’Kennedy, Dieu le sauve ! m’a dit tout à l’heure, et vous a dit à vous-même, devant moi, que cette même île enferme un puits d’eau douce, donc, un puits qui ne communique pas avec l’eau salée de la mer… et que ce puits est si profond qu’on n’a jamais pu le sonder jusqu’au bout… tellement que ce puits s’appelle le Grand Puits, et que l’île en a tiré son surnom…

— Oui dà ? Eh bien donc ? c’est cela que vous trouvez risible ?

— En vérité, c’est cela même ! affirma Mr. Ashton, qui ne riait plus que du bout des lèvres : parce que j’ai songé tout à coup qu’un tel grand puits pouvait bien être, Dieu nous sauve ! le propre Grand Puits de la Vérité !