Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’embarcation s’était haussé sur la pointe des pieds, pour choisir mieux à l’aise son point d’atterrissage.

Tout le monde, d’instinct, se taisait. À l’avant de la vedette, l’un des deux brigadiers plongeait par intervalles une longue gaffe dans l’eau, en manière de coup de sonde. Et jamais le fer de la gaffe n’avait encore touché le fond, tant la falaise de l’île s’enfonçait verticale dans la mer, et tant Graciosa jaillissait hors l’abîme énorme de l’Atlantique comme jaillit du sol une colonne ou un pilier.

— Attention devant ! — commanda, bref, le patron de la vedette.

On venait de doubler le promontoire nord, qui fermait l’entrée de la crique, laquelle n’était pas profonde de trois cents mètres. Et la vedette piquait maintenant vers le creux de la petite baie, plutôt pareille, de par l’étrange et raide hauteur de son littoral, à quelque fiord des mers Scandinaves. Là-bas s’offrait, en manière de débarcadère, un éboulis de rocs dont les plus bas avaient roulé jusque dans la mer. Une crique s’arrondissait, bordée de pierres plates, et n’importe qui d’à peu près agile pouvait sauter facilement sur ces pierres. C’est de là que partait le sentier naturel tout à l’heure aperçu par Mme Francheville, lequel sentier, s’élevant tout le long de l’éboulis, atteignait au plus haut de la falaise même et permettait d’accéder à l’intérieur de l’île au Grand Puits.

La vedette approchait du débarcadère supposé. Et le patron, parmi le silence respectueux des passagers, qui n’avaient garde de troubler la manœuvre, ordonnait l’atterrissage :

— Stop !… En arrière !… Les gaffes ! Stop !… Accoste l’arrière !

Comme les brigadiers s’affairaient, il questionna :