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moi, gambader comme ces enfants-là ? Soyez persuadé que je suis d’avance très lasse.

Mr. Ashton, très courtoisement, s’arrêta net, et ne donna qu’un coup d’œil en avant.

— Vous cherchez Mrs. Ashton ? — demanda Mme Francheville, innocente. — N’ayez crainte pour elle ! M. de la Cadière est là pour l’aider, s’il est besoin…

— C’est vrai, — répondit, très rassuré, Reginald Ashton. — Et, d’ailleurs, les Trêves sont devant eux.

Mme Francheville considéra son cavalier :

— Vous n’êtes pas jaloux, j’imagine, cher monsieur ?

— Dieu non ! — protesta Reginald Ashton : — pas plus que vous ne fûtes jamais, vous, chère madame, jalouse !

— Pas très civilisée, la jalousie ! — conclut Germaine Francheville, dédaigneuse.

Elle s’était assise sur un banc de roc. Elle se releva, sans hâte, mit une main sur l’épaule de Reginald Ashton ; et tous deux, à petits pas, commencèrent de grimper le sentier.

Un quart de mille plus loin, on débouchait entre deux blocs de lave, plantés obliquement, sur un plateau très vaste et très nu. La Cadière et Mrs. Ashton, la main dans la main, y parvinrent ensemble, et seuls : loin devant, la petite comtesse de Trêves et son mari s’en allaient, courant toujours ; loin derrière, le reste de la société s’essoufflait. Mrs. Ashton, alors, vérifia d’un coup d’œil cette solitude, et s’arrêta. Les deux blocs de lave la cachaient absolument à tous regards venus de n’importe où. Elle attira brusquement à soi Henry de la Cadière et lui prit, hardiment, un baiser bouche à bouche.

— Henry, — murmura-t-elle, très passionnée, — dites que vous m’aimez ! dites que vous n’aimez que moi !