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Henry de la Cadière, très passionnément aussi, rendit baiser pour baiser. Puis, riant à sa maîtresse :

— Certes, — dit-il, taquin, — je ne dirai rien de pareil ! je ne vous aime pas du tout, absurde chérie que vous êtes ! et j’irai plus loin : j’en aime peut-être beaucoup d’autres !… Qui sait ?…

Leurs bouches se mêlèrent encore. Contente du geste, sinon des mots, Grace Ashton n’insista pas davantage. D’autant que des pas résonnaient dans le sentier, derrière les grands blocs. On marchait assez bruyamment, et on parlait fort. Germaine Francheville parut dans l’instant, précédant Reginald Ashton.

— Oh ! — fit-elle, comme toute surprise de se trouver si près de La Cadière et de Grace Ashton : — vous étiez là, tous deux ?

— Nous vous attendions, — affirma La Cadière, qui riait toujours.

Et comme le plateau de l’île, sur lequel tous marchaient maintenant, n’était rien moins qu’uni, Mrs. Ashton, pour ne pas trébucher, prit le bras de son mari, tandis que Mme Francheville, laissant Mr. Ashton à sa femme, sollicitait l’aide du comte de la Cadière

IX

Du plateau, l’île se découvrait assez largement et la vue s’étendait sans obstacle, à peu près de tous côtés, sauf toutefois vers l’horizon au sud, que le Pic masquait entier, de sa haute silhouette aiguë. Le coup d’œil était donc vaste, mais monotone, car ce n’était, de l’ouest à l’est — en passant par le nord — que laves brunes et sables gris. Pas un arbre, pas un buisson, pas un cactus. Pas une motte de terre où la moindre graine