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Il montrait la mer, au large de la crique ; de la crique, on ne peut mieux visible du plateau où l’on venait d’arriver. Mais, sur cette mer, de Feuille de Rose on n’apercevait plus trace… À perte de vue, l’Atlantique apparaissait rigoureusement désert…

— Vous pouvez voir, — précisa lord Nettlewood… — vous pouvez voir…

Tous pouvaient voir, et nul ne vit rien. Un silence brutal suivit.

Le fait était, hélas, patent. La Feuille de Rose qui, trois heures plus tôt, avait mis à terre, pour un joyeux déjeuner tous ses passagers, et qui aurait dû se retrouver à point nommé, pour les recueillir, et les emporter derechef confortablement et sûrement, vers la suite et vers la fin de la croisière, la Feuille de Rose, mystérieusement disparue, n’était plus nulle part…

XIII

— Çà ? — s’écria, tout éberlué, le peintre Juan Bazan — où diable a pu passer ce feu follet de bateau ?

Et le comte de Trêves, que sa femme, qui aimait les romans-feuilletons, avait accoutumé aux plus formidables péripéties, fournit immédiatement la plus rude hypothèse :

— Il a dû couler bas, corps et biens !

Un cri d’horreur partit du clan des dames, qui, effarées, se pressaient sur le plateau. —

— N’exagérons rien ! — rectifia le prince Alghero, lequel Gênois, savait ce que mer et marin veulent dire : — la Feuille de Rose a pu tout bonnement dérader, c’est-à-dire prendre un peu de large. Voyez la brise : elle souffle dru : toute la côte n’est qu’une frange d’écume blanche. Le capitaine O’Kennedy ne s’est probablement pas