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suffisamment ironiques en présence d’un simulacre de mort ! À Dieu ne plaise !

— À Dieu ne plaise, certes ! — confirma, sans énergie, le maître et seigneur de la feue Feuille de Rose. — À Dieu ne plaise ! Mais, mon cher comte, je n’ai peut-être pas tout à fait compris… Où voulez-vous en venir ?

— Mon cher lord, à ceci, — précisa tout de go, M. de la Cadière, — que cette naufrage-party… à quoi le destin nous a si délicatement conviés peut finir très bien, ou très mal ; mais, en tout cas, que nous n’y pouvons désormais plus rien.

— Comment ? — protesta lord Nettlewood. — tous ne croyez réellement pas…

— Oh ! non, — précisa bien clairement le comte de la Cadière, — je ne crois réellement pas : je suis sûr et j’affirme. Il est jadis arrivé, dans l’histoire ou dans le roman, que des robinsons se soient par eux-mêmes tirés d’affaire ; mais c’était sur des îles propices, et c’étaient des robinsons faits exprès. Rien de pareil ici, mylord. Graciosa n’est qu’un désert d’effroyables cailloux, où pas un brin d’herbe jamais ne poussa ; et, le susdit désert fût-il un terroir plus fertile que vos domaines héréditaires de Galloway, j’ose dire que, tels que nous voilà, vous, nous, moi, nous sommes mal propres à faire mieux, ici, que ne font, là-bas, vos paysans d’Irlande…

— Mais… — objecta, au hasard, le lord de Galloway, qui perdait assez facilement tout sang-froid dès qu’on lui jetait le Sinn-Fein à la tête…

— Mais c’est évident, — trancha La Cadière, bref. — Ne discutons donc pas. Ici, non secourus, nous mourrons de faim, sous trois jours. Il n’en est pas moins très possible qu’avant trois jours, ici, nous soyons secourus. Le certain, c’est que, en l’un comme en l’autre cas, — je reviens où j’étais tantôt, — tout effort de notre part est