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superflu. Car tout ce que nous pourrions faire ou rien, ce sera pareil.

— Pardon, monsieur, — trancha à son tour, et non moins brève, Mme d’Aiguillon : — nous pouvons prier. Et cela ne sera pas rien. Ni superflu.

Les gens racés se reconnaissent entre eux, et surtout à ceci que, dans les pires occurrences, ils ont accoutumé de ne rien perdre de l’énergie que leur race a, en eux, accumulée. M. de la Cadière, qui savait à merveille respecter toutes dames dignes et désireuses de respect, salua bas :

— Vous avez infiniment raison, madame. Prions donc d’abord. Et, cela fait, faisons tout ce qu’il nous plaira, sans obstacle ni restriction, — puisque, quoi que nous fassions, il en ira de même. C’est là que j’en voulais venir, mylord ! Ceux qui nous ont quittés ont eu tort, quant à la forme. Mais ils avaient raison, quant au fond, de souhaiter, pour ces trois jours… lesquels, mon Dieu ! peuvent très bien être nos trois derniers jours… un relâchement des diverses disciplines dont la vie sociale nous tyrannisa jusqu’à présent. Je n’excuse pas nos déserteurs : j’explique leur geste. À nous, mylord, — qui sommes de meilleure compagnie, et qui, s’il faut mourir, n’avons nulle objection à mourir avec vous, ne sachant pas qu’il soit ailleurs gens qui nous plaisent davantage, — à nous, dis-je, vous concéderez assurément toutes les faveurs qu’ont usurpées, avant même d’en solliciter l’octroi, MM. Bazan et Alghero.

— À savoir ? — demanda très naïvement lord Nettlewood, qu’un tel discours, et si confusément troussé, ahurissait.

— À savoir, — précisa négligemment la Cadière, — cette principale faveur d’être d’abord, et sans que personne y trouve à redire, déliés de toutes les vieilles règles sociales et de toutes les vieilles lunes morales ; — de faire tout ce qui