Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Par Jupiter ! Reggie, je ne vous aurais jamais cru à ce point philosophe ! Cela tombe, d’ailleurs, à merveille ! et vous êtes aujourd’hui, j’en jure Dieu ! le right man in the right place !… le spécialiste dans sa spécialité !… l’homme qu’il me faut, pour m’aider, maintenant qu’il faut, à bien mourir !… Reggie, je vous dois beaucoup d’excuses : je vous avais toujours pris pour un bon homme, bien simple et sans malice… content d’être riche, assez… content d’avoir une femme jolie, très… content d’avoir de braves amis, d’avoir un fort patron…

— Vous, mylord ! — précisa Reginald Ashton, souriant de coin…

— Moi, oui… moi, Reggie, content d’ailleurs aussi, puisque je m’étais souvent appuyé, pareillement, moi sur vous, ni plus ni moins que vous sur moi… Mais du diable si j’aurais jamais imaginé que, le plus dur des durs moments venu, je vous trouverais comme je vous trouve ! Car je vous trouve ! et je vous le dis : Reggie, vieux camarade ! vous êtes un damné fier compagnon pour l’heure de la mort !

Reggie Ashton, maintenant, se frottait les mains l’une contre l’autre, d’un geste très ecclésiastique. Une hypocrisie considérable faisait le fond de son caractère. Et, même ici, dans l’île au Grand Puits, dans l’île de la Vérité, cette hypocrisie lui restait collée à tous les gestes. Malgré quoi, le sortilège du lieu aidant, la même hypocrisie avait quitté son cœur ; et, pour la première fois de sa vie, l’honorable Reginald Ashton parlait peut-être sans mensonge…

Par le fait, il fut, dans l’instant qui suivit, brutalement sincère. Lord Nettlewood, obstinément soucieux, s’était repris à hocher la tête. Et voilà qu’il disait :

— Ashton, Ashton ! il n’empêche que, si la mort n’est rien, l’au-delà, quoique inconnu, est