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Et du silence suivit encore.

— Coucher où l’on veut, — reprit Mme Francheville, au bout d’un petit temps, — c’est le droit de chacun… Est-ce que, justement, M. de la Cadière ne disait pas à lord Nettlewood quelque chose d’avoisinant ?

— Vous l’avez remarqué ? — questionna Mrs. Ashton, qui, penchant la tête à droite, leva le nez.

— Sans doute, — fit Mme Francheville, innocente : — rien de ce que dit M. de la Cadière n’est indifférent à personne…

Et, cette fois, le silence se prolongea.

Germaine Francheville, à la fin, le rompit pourtant, sur un ton tout câlin :

— Grace chérie, puisque vous êtes si bonne, dites-moi : où voulez-vous coucher, cette nuit ?

Et Grace Ashton, penchant encore la tête à droite, leva le nez plus haut que ci-devant :

— Sais-je ? — elle parlait tout à fait du bout des lèvres, après avoir pris tout son temps — sais-je où je voudrai ? Je sais seulement que cela ne sera pas où Mr. Ashton eût voulu !… Au fait, chère jolie, vous-même ?

— Moi-même ? — jeta Germaine Francheville, insouciante de la tête aux pieds, — comment saurais-je mieux que vous ?… C’est d’ailleurs très indifférent : il s’agit d’une nuit…

— Mais peut-être de la dernière nuit…

— Quelle horreur ! — cria Mme Francheville : — imaginez-vous qu’alors nous n’aurions plus que quelques heures à nous voir, nous deux ? quelques heures à nous aimer ?

— Oh ! beauté que vous êtes !…

Passionnément, ces dames s’embrassèrent sans se mordre du tout. Mais, l’embrassade parachevée :