Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sagesse —, de jamais admettre qu’après elles, comme après nous, le néant, probablement, succédera.

Tout de même, il est des exceptions. Peut-être Grace Ashton en était une…

Cependant, elle et Germaine Francheville se toisaient.

— Eh ! pourquoi donc criez-vous ? — demanda celle-là.

— Parce que, — répondit celle-ci, vous semblez tolérer l’idée de notre disparition définitive ! J’ignore assurément quelle vie je vivrai, quand j’aurai fini de vivre la vie que je vis. Mais je sais bien que je vivrai une vie quelconque.

— Soit ! — concéda Mrs. Ashton, qui, ce nonobstant, pratique et précise, ajouta : — il n’est tout de même rien que le présent.

Et du silence suivit.

— N’importe ! — recommença Germaine Francheville : — au point où nous sommes, il me paraît réconfortant de penser à l’avenir et d’en espérer tout ce que le passé ne nous a pas donné…

— Pensez, espérez et réconfortez-vous tant qu’il vous plaira, — acquiesça Grace Ashton. — Mais, entre le passé et l’avenir, je vois encore la place pour quelques satisfactions immédiates quoique suprêmes… Et je vous assure que rien au monde, ni personne, ne m’empêchera de goûter ces satisfactions-là… Non-da ! Pas même l’opposition de mon seigneur et maître, l’honorable Reggie… encore qu’il ait, tout à l’heure, essayé sur moi son autorité conjugale, quand il prétendit me contraindre à coucher là où il veut, là où je ne veux pas…

— J’avais bien entendu, — laissa tomber Germaine Francheville, songeuse.