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Ashton, — excusez-moi : Henry de la Cadière m’attend.

— Heu ! — objecta vite Germaine Francheville, — êtes-vous réellement sûre, Grace, que c’est bien vous qu’il attend ?

Elles se redressèrent, ensemble :

— Mais, — fit l’une, — j’imagine que vous savez aussi bien que moi depuis combien de temps…

— Depuis combien de temps, — fit l’autre, — vous et Henry trompez ce pauvre Ashton ? Certes, je le sais ! Mais j’imagine que vous savez aussi depuis combien de temps Henry en est las, et de quel poids cette tromperie-là lui pèse !

— Oh ! je sais surtout depuis combien de temps vous lui faites, vous, la cour ! Et je sais de quel bon cœur il en rit avec moi…

Il y eut pause. Les deux rivales se regardaient toujours. Mais c’était, maintenant, sans la moindre aménité.

La première, Germaine Francheville reprit une façon de sang-froid.

— Au fait, — reprit-elle — la plus simple des choses est celle-ci : vous l’aimez… oui ?… je l’aime… oui !… qu’il choisisse ! après tout, si cette nuit-ci est notre suprême nuit…

— J’ai mon droit ! — cria Grace Ashton : — je suis la première.

— Raison de plus, — affirma Germaine Francheville : — vous n’allez pas vouloir être la seule !…

— Ce que vous dites-là est ignoble ! — protesta Grace : — inconvenant, et dégoûtant !

— Mais ce que vous faites est pire ! — riposta Germaine : — abominable et répugnant !

Elles se turent toutes deux une dernière fois ; mais quatre secondes seulement.

— Voulez-vous me laisser la place ? — interrogea Grace, tout net.