Page:Les œuvres libres - volume 24, 1923.djvu/183

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extrémités tournent des coteaux, des puys, renflés, charbonneux, fumants.

D’abord Vernalle fut frappé de l’équilibre unique du panorama.

Puis il admira le détail, les candides anecdotes, de ce Tableau de la nature. Le cône nu. Au milieu de la pente et aux flancs, des groupes élyséens d’arbres, sveltes dans leur ombre nette. Plus loin, de rares peupliers, s’isolant sur la brume irisée. À sa base, sur le glacis, au creux des vallons, derrière des chênes ronds deux villages symétriques dont les toits rouges se rengorgent dans des vergers de cerisiers et pommiers.

La vie des ombres sur la colline est l’âme de tout : leur pureté est comme une projection de l’éternité.

Le ciel.

Le silence.

— Je comprends, dit l’écrivain au peintre.

— Je ne veux plus voyager : je m’arrête ici.

— Je vous envie ! s’écria Vernalle, soudain profondément attristé ; moi, je ne pourrai pas : je suis inquiet, avide, mécontent de moi ; je brûle d’un besoin plus grand que ma vie de voir du pays, de chercher

— Puisque vous avez cette fringale de poursuivre, il faut satisfaire votre instinct ; le fatiguer.

— Mon instinct ? C’est bien ma raison aussi ; et le rêve de toutes mes études, ma volonté !… Vraiment, rien ne vous manque ici ?

Il interrogeait avec flamme. Il n’osait dire davantage ; il était possédé, du cœur aux mains, par ses grandes émotions récentes. La beauté même du paysage le blessait, ouvrait large son cœur comme si le cœur des hommes n’était qu’une blessure, toujours prête à se rouvrir.

Très grand au-dessus de l’herbe où ses pieds étaient plantés, le peintre resta quelques secondes