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ma chérie, je sais bien ce que je dis. Comme je te le dis, les choses se passeront.

J’étais troublée malgré moi. Je suis toujours stupéfaite de sa pénétration. Il lui arrive souvent de deviner mes pensées et de me dire ce que je pense. Niourka rappela au téléphone : une communication de Tsarskoïe. Il s’approcha de l’appareil.

— Quoi ? Aliocha[1] ne dort pas ? Son oreille lui fait mal ? Appelez-le au téléphone.

Un geste de notre côté, pour nous faire signe de nous taire.

— Quoi, mon petit Aliocha, tu ne dors pas encore ? Tu as mal ? Tu n’as pas mal du tout. Va tout de suite au lit. Ton oreille ne te fait pas mal. Pas du tout, je te dis. Dors, dors tout de suite. Dors, je te dis. Tu m’entends ? Dors.

Un quart d’heure après, on retéléphone. Aliocha n’a plus mal à l’oreille. Il s’est endormi tranquillement.

— Comment se fait-il qu’il se soit endormi ?

— Pourquoi non ? Je lui ai dit de dormir.

— Mais il avait mal à l’oreille.

— Et moi je lui ai dit qu’il n’avait pas mal.

Il parlait avec une calme assurance, comme s’il ne pouvait en être autrement.

— Ah ! mes chéries, demain nous irons ensemble dîner chez la comtesse K… Il y aura beaucoup de monde. Tous les ministres.

— Mais nous ne connaissons pas la maîtresse de la maison.

— La belle affaire ! Vous viendrez avec moi. C’est moi qui vous amène.

Nous n’avions guère l’envie d’afficher nos relations avec lui, et d’aller dans une maison inconnue.

— Non, non, non, nous n’irons pas.

  1. Le tsarevitch Alexis.