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là-bas. On l’appelle le Temple du Nord, pour cela qu’il est, en effet, au septentrion de toute la Ville Différente…

Mais, avant d’y arriver, et tandis qu’on le domine encore de très haut, il faut qu’on franchisse le Ravin Terrible.

Il n’y a rien au monde, et non plus ici que là-bas, de plus simple et de moins inquiétant que le Ravin Terrible.

Ce n’est même pas un Ravin, pour bien dire : c’est le commencement, la naissance, l’amorce d’un ravin. Deux contreforts de la falaise s’étant un peu trop avancés, un creux s’est niché entre eux ; comme le sillon d’une femme se niche entre ses deux seins. Voilà tout. Et la route qui descend, — car, maintenant, le chemin, de sentier, s’est fait route, — la route, donc, après avoir eu dessein de contourner le tout, et de s’enfoncer jusqu’au fond du val a jugé plus bref de sauter d’un contrefort à l’autre. Cela fait moins un pont qu’un ponceau. Quand on le passe on a la falaise à main gauche et l’abîme à main droite. C’est-à-dire qu’à main droite, un immense, un fabuleux horizon s’arrondit vers le sud, et que toute la Ville stagne à vos pieds, sous ses fumées bleues ; et qu’à main gauche, il n’y a rien du tout, qu’un vallon, gazonné, tout de suite borné par la falaise, énorme et nue. Parmi l’herbe, des buissons rares s’accrochent ; et un filet d’eau coule, à peine visible parmi la brume alpestre qui toujours flotte sur le ravin, — sur le Ravin Terrible… Car c’est une chose à noter : en haut, sur le Parc, le soleil luit, éternellement ; et de même, en bas, sur la Ville Différente. Au contraire, il n’y a jamais de soleil sur l’autre Ville, sur la Ville Moderne ; et, à mi-hauteur, sur le Ravin Terrible, et aussi sur le Temple du Nord, c’est toujours, toujours le