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du Nord offre cette singularité unique de n’être pas bâti sur fondations, et de ne point s’enraciner dans la terre, comme font toutes les autres constructions humaines. Le Temple du Nord, fixé au flanc de la falaise verticale et vertigineuse qui sépare le Parc de la Ville Différente, repose en porte à faux sur un étrange enchevêtrement de poutres d’acier, horizontales, dont un bout s’enfonce très avant dans la paroi rocheuse, et dont l’autre, à peine étayé d’obliques arcs-boutants, soutient au-dessus du vide l’édifice entier des murailles, des ogives, des voûtes, des toits, des flèches et des aiguilles : encore que tout cela soit d’un granit gris très lourd, pesamment sculpté. Rien donc n’est angoissant comme le douteux équilibre de ce Temple, qu’on croirait suspendu par magie, lorsqu’on le regarde d’en haut, et qu’on n’a pas encore découvert l’armature robuste, mais visible seulement d’en bas, qui en supporte le faix.

Temple suspendu…

Temple mystérieux…

À quel culte consacré ? Je ne l’ai jamais su, moi-même ; pas plus là-bas qu’ici.

Mais c’est un culte assurément nocturne. Car tout le jour, et tous les jours, le Temple est muet, désert et clos. Au lieu que, sitôt la nuit tombée, les collèges de prêtres s’y assemblent, des chants religieux s’élèvent ; et, comme j’ai déjà dit, toutes les verrières s’illuminent dans l’ombre.

Nous descendions cependant, marchant vite. Et je vis que ma garde, approchant du Ravin Terrible, commençait de serrer les rangs autour de moi.

C’est que le malheur… vous savez bien ! ce malheur de là-bas, pire que n’est ici notre mort, notre médiocre mort… c’est que le malheur com-