Page:Les œuvres libres - volume 24, 1923.djvu/384

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Le malheur va vite.

De toute façon, il faut que j’adopte sans délai un plan d’attitude.

La question est celle-ci : que répondrai-je à ces hommes qui frapperont vraisemblablement tout à l’heure à ma porte ? L’impréparation, c’est le bafouillage ; il suffit d’une altération dans la voix pour que ceux qui vous pressent vous condamnent.

Je peux jouer franc jeu et je peux simuler. Car il ne s’agit pas de se couvrir noblement de la vérité ! La vérité c’est question d’opportunité ; ici surtout. Il s’agit expressément ici que l’innocent ne soit pas mis en cause ; la cruauté de la vie se charge bien d’oblitérer les frauduleux traités de morale.

Jouer franc jeu : évidemment ma sincérité me sert au cas où l’on m’inculpe ; elle est la pire maladresse si ma présence dans la chambre de Marie-Anne doit rester ignorée. Mais si je feins l’étonnement, ce sera, j’en ai peur, d’une voix si peu naturelle que la feinte n’ira pas loin… Alors ?

Je fais chercher de nombreux journaux. L’un après l’autre, ils passent dans mes mains tremblantes, les lettres capitales se brouillent dans mes yeux. Le reportage pourrait-il s’y trouver déjà ? C’est peu probable ; bien qu’un coup de téléphone, une de ces nouvelles en trois lignes… Je parcours les pages dans un galop… Mais non… Le temps matériel manque…

Violemment, un titre me heurte : « Le désespoir d’une jeune femme ».

C’est sans rapport… Je m’aperçois sans horreur de moi-même que le tressautement c’était en fait une attente. Le désespoir, cela se traduit par un suicide : j’étais sauvé.

Les journaux… Ô dépotoir, ô grande presse, grande par l’envergure de ses procédés malpro-