Page:Les œuvres libres - volume 24, 1923.djvu/386

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logique et de lumière : moi-même je me condamnerais.

Je vois l’enchaînement de ces faits, je les suis avec une rigueur absolue, je les accepte comme il faut qu’on les accepte. Une grande lucidité m’est revenue. Sur ces faits acceptés tels qu’accomplis je me base.

J’envisage les conséquences de ma disparition, je veux dire de l’arrestation et du reste. L’horreur pendant des mois sur ma compagne, voilà ce qui lui est promis, jusqu’au matin où elle s’éveillera veuve d’un forçat, sinon d’un guillotiné.

Eh bien, cela ne peut pas être et cela ne sera pas par moi permis. J’ai le droit d’abréger à la fois un tel supplice et mon propre supplice, abois du gibier innocent pris dans les rêts. J’en ai le droit et je le ferai. Debout.

Voici la seringue et voici l’aiguille. Il n’y a pas lieu de les flamber aujourd’hui. Je pense à mon cœur malade, à d’autres fréquentes et violentes douleurs internes, le tout par tous connu… Quand les policiers sonneront, j’enverrai dans la veine de mon poignet gauche la dose massive de morphine. Ce sera une fin qui éteindra l’action judiciaire, qui nous gardera du déshonneur. Une fin accidentelle. Tant pis. Voici l’ampoule. Je ferme la porte à double tour.

Vois-tu, il n’y a pas que toi qui sois résolue, Marie-Anne…

Je m’étends sur la chaise longue et j’attendrai le temps qu’il faut… C’est cette veine saillante. J’attendrai le temps qu’il faut… Je n’attendrai guère. Voici qu’on sonne…

Tant pis !