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leurs chefs, les aînées glorieuses s’essayant à imiter la dignité des maîtresses, les petites hâtant le pas cahin-caha. Sur le seuil des maisons et les marches des boutiques, aux fenêtres, on accourait, on se rangeait dans la rue, pour admirer le cortège. Il remontait la Grand’Rue, enfilait la rue des Halles, contournait le parvis de la cathédrale, et s’engouffrait à la mairie, où avait lieu la distribution solennelle des prix. Aucune fête ne plaisait autant à la fille du commandant de Saint-Cast, dont la vie s’était écoulée jusque-là austèrement pour une jeunesse, derrière les murs de la sombre maison des remparts, et ne s’égayait que rarement. La vieille Perrine conduisait néanmoins chaque année Anne-Marie à l’assemblée de la Petite Sainte-Ouine, que l’on nommait encore « Foire au Sable », ou « Assemblée des bigorneaux ». Elle avait lieu (depuis 1360), le lundi de Pâques, se prolongeait pendant huit jours, et se tenait au commencement du siècle à la Grand’Rue, puis s’en fut au quai Saint-Louis. Pour l’enfant, « faire sa Sainte-Ouine » était un plaisir des dieux. C’est que l’on trouvait à cette assemblée, des jouets, des rubans, des miroirs, des sifflets, des eustaches ; on y pouvait acheter les tissus légers des robes d’été, goûter aux macarons frais, visiter la baraque des animaux savants, que sais-je ? L’enfant, grisée de plaisir, s’énervait, riait, dansait, et, rentrée chez elle, passait des nuits enfiévrées.

Le 6 janvier 1817, le navire La Marie, armateur Robert Surcouf, de Saint-Malo, capitaine Le Guévénec, revint au port, rapportant la dépouille mortelle d’un Saint martyr qui lui avait été remise solennellement par l’évêque de Cette, pour honorer la cathédrale de la citée malouine ; c’était la dépouille de saint Célestin. La ville pavoisa. M. Le Breton, curé, se rendit avec son clergé à la rencontre des reliques. On les transporta avec